Une révolution ? Non, Sire une évolution

Une révolution ? Non, Sire une évolution

Romandie Formation emploie plus de 400 formateurs externes et 12 collaborateurs à Paudex. Ce bien cher (dans tous les sens du terme) Coronavirus est venu comme partout mettre son grain de sel dans une affaire qui roulait bien. Le 15 mars 2020, en 12 heures il a fallu bloquer l’accès aux salles de cours, prévenir une cinquantaine de formateurs et reprogrammer à distance plus de milles périodes de formation ; et, cerise sur le gâteau, renvoyer à la maison les douze collaborateurs qui coordonnent lesdites périodes. Douze personnes qui, du jour au lendemain, doivent organiser un bureau à domicile, avec ou sans wifi efficace, dans un placard ou au milieu du salon, sur la table de la salle à manger ou dans la chambre à coucher au grand dam de l’intimité (être en Visio conférence avec son patron là où les enfants ont été conçus … il y a du #metoo qui plane dans l’air). La réorganisation forcée tient plus du sport olympique que du travail de bureau. Macolin n’a qu’à bien se tenir !

Aïe ça fait mal !

Alors quoi, nous ne sommes pas les seuls ! La planète entière apprend le télétravail, ou pire, le désœuvrement : coiffeur à distance n’est pas nécessairement facile. L’assiette du jour virtuelle à CHF 23.- café offert par le patron n’est pas très nourrissante. En particulier, depuis que les fournisseurs (bouchers, maraîchers et autres) ne livrent plus non plus. Alors, pourquoi se plaindre ? Le télétravail est possible malgré les enfants qui braillent faute d’aller à l’école, et monsieur ou madame qui dispute la place pour télétravailler aussi… Bref, l’activité est presque possible, y’a bien pire ailleurs. Travaillez, employés de bureau, d’administration ! Oui, mais les innombrables participants aux cours cités plus haut comment font-ils ? Parce que tant qu’à ne pas travailler, autant se former. Quid des chargés de cours ? Être « formateur à distance » ne s’improvise pas, ça s’apprend. En principe. Et là, pas de discussion, soit tu passes derrière l’écran, soit tu attends la fin de la pandémie. Celui qui attend la fin de la pandémie attend toujours… Alors que faire ?

D’abord il a fallu appréhender un outil : Microsoft TEAMS. Comment fait-on ? Que peut-on faire ? Comment ça marche ? Le chargé de cours, l’équipe de Romandie Formation se retrouvent face à un nouveau jouet et se posent les mêmes questions que quand, à trois ou quatre ans, ils recevaient un nouveau « truc » à Noël. Et les informaticiens, bourrés de bonne volonté, tentent d’expliquer le fonctionnement d’un « machin » qu’ils ne comprennent pas mieux et dont ils subissent eux-mêmes les contraintes. C’est un nouveau sport olympique comme je vous le disais plus tôt. Ou alors, peut-être devrait-on exhumer le corps de Champollion pour qu’il nous déchiffre ces langages inconnus ?

En deux mots, c’est un métier qui a dû se réinventer en un temps éclair. Contactée en urgence, l’association des formateurs romands (l’ARFOR) devait avoir des réponses à la question « Comment anime-t-on un cours pour 20 personnes sans les réunir dans une même salle ? ». Eh bien même réunis en association, les formateurs n’ont pas de réponse ou plutôt, des réponses insatisfaisantes :

– Il faut mettre en place des séquences vidéo, fournir des exercices, réunir les participants en petits groupes (zoom permet de faire ça !) En quelques mots, c’est un long travail de préparation et de mise en place.

– Vous êtes gentils, mais tout d’abord nous n’utilisons pas zoom, mais TEAMS et surtout, on n’a pas le temps. C’est demain, au pire la semaine prochaine que cela doit reprendre.

En creusant la discussion, il appert que les personnes contactées étaient tout aussi empruntées et que finalement : « la meilleure (la moins pire) des solutions, c’est d’improviser ». Ah ! Ça ne va pas faire notre affaire ce genre de réponses.

Alors les chargés de cours de Romandie Formation ont improvisé, avec un certain talent, et les cours ont repris. Les participants se sont motivés et l’activité a redémarré, en boitant bas, mais en allant de l’avant. Un peu comme lorsque l’on met une roue de secours sur l’autoroute après une crevaison et qu’il faut respecter un huitante kilomètres heure à l’heure là où le cent-vingt est autorisé. Il a également fallu annuler, reporter de nombreuses heures de cours en attendant que sa majesté COVID-19 se décide à nous lâcher un peu. La formation professionnelle supérieure ne s’apprend pas via un jeu vidéo. Le partage du savoir-faire est très approximatif sur internet. Comment s’y retrouver dans les formulaires TVA, simuler un entretien de recadrage, comprendre les branchements d’un réseau électrique par écran interposé, sans le formateur à vos côtés, sans contact direct ? Comment partager les bonnes pratiques avec des collègues de formation quand il y a des écrans, du bruit de fond, un wifi qui rame et bien d’autres facteurs qui s’imposent dans les heures que l’on veut consacrer à sa formation ? On oublie, ça ne marche pas ! À l’université, face à un auditoire de 200 étudiants l’interactivité est très relative (gentil euphémisme), alors forcer l’étudiant à rester à domicile et le faire étudier face à un ordinateur paraît plus réalisable même si cela reste une catastrophe sociale. Pour la recherche, ça se complique. Et comme je viens de le dire, pour l’apprentissage d’un métier, d’un savoir-faire, ce n’est carrément pas possible.

Alors quoi, on peste, on râle, et on rejette tout ; le bébé et l’eau du bain et le reste de la salle de bain devenue inutile ? « Voyons, restons ouverts, cherchons le côté positif de l’événement ! »

Problème = solution

Je reviens vers nos formateurs en associations, ceux qui devaient détenir la solution miracle. Ces âmes bien pensantes (notez au passage que j’en fais partie) claironnaient depuis des années que le métier allait, devait se transformer. Mais palabrer ne fait pas progresser le schmilblick. C’est gentil de dire : il faut évoluer. Certes, mais comment ? A quoi ressemble le formateur 4.0 ? Ma vision du futur formateur en 2019 était passablement floue. J’ai appris le métier au temps du rétroprojecteur. Autant dire qu’entre-temps, une ou deux glaciations sont passées. Alors le réchauffement climatique de la profession reste encore très vague. Et puis finalement, ce sont les Chinois qui nous ont ouvert les yeux. Du côté de Wuhan, ils se sont arrangés pour booster la créativité du formateur.

Solution = démonstration

Votre serviteur devait, le 7 avril 2020, animer un cours qui ne pouvait être repoussé. Alors je l’ai animé. J’ai tenté d’apprivoiser le logiciel encore très farouche à ce moment. Je me suis enfermé dans un placard à balais à domicile et je me suis connecté aux participants via la nébuleuse du net. Première leçon : quand on a affaire à des chefs d’entreprise (le public du cours en question), l’improvisation ne marche pas et ils sont plus compétents que moi dans l’exercice de la vidéoconférence. Ils s’y sont mis très vite pour maintenir le business. Deuxième leçon : heureusement, la thématique de mon cours le permettait donc mon intervention a fonctionné (enfin je crois).

Depuis, j’ai renouvelé l’exercice à titre privé durant un week-end. Animer un cours de savoirfaire pour 4 participants et 3 coaches dans un hôtel séminaire qui refuse plus de 5 personnes dans la même salle. Cerise sur le gâteau, un des formateurs ne peut être avec le groupe du fait de sa profession (dentiste) qui exige qu’il ne prenne aucun risque de contamination à la version originale du virus ou à ses jolis variants anglais, sud-africain ou d’ailleurs.

C’est ainsi que j’ai compris quel est l’avenir du formateur en « savoir-faire » quand il faut travailler partiellement à distance, mais en présentiel et inversement. Un vrai défi. Mais passionnant quand on veut garantir une qualité optimale.

Alors comment ? Quatre participants et trois formateurs ? Et bien mon dentiste est resté chez lui. Il a coaché à distance. Les 4 candidats masqués à 2 mètres de distance en permanence ont subi ce cours. Les deux derniers coachs, masqués, en alternance à distance, connectés juste à l’extérieur de la salle de formation ont animé le week-end. Six bouteilles de gel hydroalcoolique, une boîte entière de masques chirurgicaux y ont passé, mais le cours a été dispensé, et votre serviteur s’est éclaté à organiser, coordonner et animer cette formation.

En conclusion, je reviens sur mon titre : pour les formateurs professionnels, le COVID a-t-il provoqué une révolution ? Non Sire, une évolution du métier.