Netflix présente…

Netflix présente…

Les amateurs de séries ont tous constaté que certaines d’entre elles comprennent la ou les saisons de trop ; celles où l’on sent que les producteurs, encouragés par le succès et les audiences du début, ont décidé de concevoir une suite qui n’était initialement pas prévue, avec pour conséquences des rebondissements improbables et un scénario qui devient illisible. Après une année de crise Covid-19, on a un peu le sentiment d’être les protagonistes d’une de ces productions Netflix dont on a décidé que, si nouvelle saison il y a, on ne la regardera pas ; à cette notable différence près qu’on n’a en l’occurrence pas le choix.

Saison 1 : la stupeur

On est en début d’année 2020. Le monde découvre simultanément l’existence d’une ville de Chine centrale, Wuhan, et celle d’un curieux animal, le pangolin, responsables semble-t-il de la propagation d’une épidémie de coronavirus. On voit défiler sur les réseaux sociaux des images effrayantes de personnes tombant raides mortes après une quinte de toux et de rues jonchées de cadavres. Mais tout cela se passe bien loin et l’heure n’est pas encore à l’inquiétude. Au contraire, au moindre toussotement, fréquent en cette période hivernale, un petit plaisantin vous gratifie d’un : « Ha, ha! Tu ne reviens pas de Chine, au moins ?! »

Puis, tout s’emballe. Le virus, qui « n’a pas de passeport », franchit les frontières et atteint l’Europe. Le 11 mars, l’Organisation mondiale de la santé qualifie l’épidémie de pandémie et le monde est sur le point d’être mis « sous cloche ». Le 16 mars, le Conseil fédéral décrète la Suisse en « situation extraordinaire » au sens de la loi sur les épidémies, avec pour conséquence la fermeture des restaurants, des bars, des magasins (sous réserve des magasins d’alimentation), des salons de coiffure et d’esthétique, des entreprises de loisirs, des lieux culturels et cultuels, l’interdiction des manifestations, la fermeture partielle des frontières et l’appel à éviter tout contact surperflu. Bien que non formellement obligatoire, le télétravail devient la norme partout où cela est possible.

C’est la stupeur. Se mêlent alors des sentiments d’incrédulité et de crainte, mais aussi une forme de fascination : en Suisse aussi, il peut arriver quelque chose de vraiment grave, nécessitant des mesures urgentes, drastiques et concrètes. En l’espace de quelques jours, l’ordre des priorités a été entièrement revu. Greta Thunberg a disparu des radars et les activistes progressistes de tous crins n’envahissent plus le domaine public (et privé) ; c’est l’unique point positif.

La priorité absolue est, pour tout le monde – citoyens, entreprises, corps médical, autorités politiques –, chacun à son niveau, de faire en sorte que la situation soit maîtrisée au plus vite et que ses conséquences soient aussi peu douloureuses que possible. Cela passe évidemment par le strict respect des recommandations de l’Office fédéral de la santé publique, par une gestion renforcée du système sanitaire, des mesures organisationnelles au sein des entreprises, mais aussi par la mise en place de systèmes d’aide et d’indemnisation pour celles dont l’activité a été brusquement interrompue ou fortement réduite.

La vie sociale est ainsi presque à l’arrêt pendant un mois et demi. A compter de la fin avril, le Conseil fédéral lève très progressivement les restrictions et annonce, le 27 mai, que la situation ne sera plus considérée comme extraordinaire à compter du 19 juin.

Le dernier épisode de la saison 1 se déroule le 22 juin, jour où la quasi-totalité des mesures sont levées. La prudence reste de mise, des plans de protection doivent être mis en place dans les lieux ouverts au public et l’on sait que l’économie mettra du temps à se relever, mais on célèbre la liberté retrouvée.

Saison 2 : la cacophonie

La deuxième saison commence à l’automne 2020 ; elle est rythmée par un ballet de nouvelles restrictions tant fédérales que cantonales, qui rend le scénario complexe et difficile à suivre. Un jour on ferme, le lendemain on rouvre, puis on ferme partiellement, avant de tout refermer, puis de rouvrir partiellement, etc.

Une certaine grogne se manifeste peu à peu, de même que des interrogations quant à la cohérence des mesures, à la pertinence des données sur lesquelles elles se fondent et au rôle de la fameuse et omniprésente TaskForce dont ne sait à vrai dire pas grand-chose. Lorsque la situation semble stabilisée, on invoque le principe de précaution : de nouveaux variants sont apparus, probablement plus contagieux, peut-être plus dangereux. Quelques manifestations couplées à de rares et timides appels à la désobéissance civile ne suffisent pas à convaincre le Conseil fédéral d’assouplir les mesures ; les demandes des cantons – consultés apparemment exclusivement pour la bonne forme -, non plus. Ils ne sont en effet qu’une « petite » majorité à exiger le retour à une vie économique, sociale, culturelle et académique à peu près normale, alors que les épidémiologistes, dont les projections se sont systématiquement révélées erronées, s’y opposent. Le Gouvernement semble avoir oublié, en l’espace d’un an, que la Suisse est un Etat fédéral. A sa décharge, les cantons n’ont de cesse de réclamer l’intervention de Berne, que ce soit pour uniformiser ou, surtout, pour financer ; ils sont donc mal venus de faire valoir leur souveraineté uniquement quand ça les arrange.

Le sommet du grotesque est sans doute atteint le 13 janvier 2021, lorsque le Conseil fédéral annonce, à compter du 18 janvier, la fermeture des magasins vendant des produits non essentiels. Le soin de déterminer ces derniers a de toute évidence été confié à de facétieux stagiaires, qui les ont joués aux dés : jusqu’à trois, essentiel ; au-delà, non essentiel…

La population finit par se diviser en deux groupes : ceux qui vouent une foi inébranlable aux propos des intervenants pouvant prétendre au titre de scientifique ou d’expert, et les autres. Ces derniers sont généralement rangés dans la catégorie des complotistes, qu’ils s’imaginent que le virus a été fabriqué en laboratoire à l’instigation d’Illuminati aux noirs desseins ou qu’ils se posent simplement un certain nombre de questions ; il en va de même d’ailleurs de ceux qui, tout aussi scientifiques ou experts au vu de leurs études et de leur pratique, tiennent des propos iconoclastes. Ils sont alors immédiatement soupçonnés d’accointances avec des milieux peu recommandables.

Certaines questions sont pourtant légitimes et mériteraient des réponses claires et honnêtes, ne serait-ce que pour endiguer le sentiment de défiance croissant à l’égard des autorités. Qu’en est-il de la fiabilité des fameux tests PCR, qui détectent une maladie chez des gens bien portants ? Ce virus est-il vraiment si dangereux ? Les cadavres ne jonchent pas les rues et le système sanitaire n’est pas saturé. Alors qu’au début de l’épidémie on accueillait l’annonce d’un cas Covid comme celle d’un cancer en phase terminale, la conversation se limite en général aujourd’hui à : «Ah? T’as eu des symptômes ?» et, si oui, lesquels ? Que recouvre la statistique des hospitalisations Covid ? S’agit-t-il uniquement des personnes hospitalisées en raison du Covid ou comprend-elle aussi les patients entrés à l’hôpital pour un tout autre motif et testés positifs à cette occasion ? Et les morts ?

Les réponses à ces questions sont essentielles pour déterminer la proportionnalité des restrictions extrêmement graves imposées à la population et aux entreprises. On se permettra de rappeler que le respect du principe de la proportionnalité est une condition sine qua non à la limitation des libertés fondamentales ; on ne peut lui opposer sans autre examen le principe de précaution, lequel est d’ailleurs appliqué de façon nettement moins rigoureuse en matière de vaccins.

Saison 3 : Bande-annonce ?

On est le 1er avril 2021. Il reste encore quelques épisodes avant que la saison 2 ne s’achève. Il est prévu que la série se termine avec elle sur l’image d’un monde à l’économie gravement mise à mal, mais sauvé grâce à la vaccination massive.

Le bruit court cependant que les producteurs envisagent l’écriture d’une troisième saison. Elle commencerait à l’aube d’une nouvelle vague, provoquée par des variants toujours plus nombreux, alors que le taux de vaccination reste insuffisant, malgré la mise en place d’un passeport sanitaire réservant aux seuls vaccinés l’accès aux voyages et aux loisirs. A partir de là, tous les scénarios sont possibles, y compris celui où, après avoir rendu la vaccination obligatoire, on s’avise qu’elle est moins efficace qu’annoncé par les scientifiques et les experts et, partant, impropre à éradiquer le virus.

Cette troisième saison et, a fortiori, les suivantes, on n’a vraiment pas envie de les regarder…