Les ressorts de la tyrannie du risque zéro : par qui et dans quel but ?

Les ressorts de la tyrannie du risque zéro : par qui et dans quel but ?

Une année après l’apparition du Covid-19, il est désormais possible de tenter une analyse de ce qui s’est passé et de la manière avec laquelle les pouvoirs publics et les médias ont conjointement tout mis en oeuvre pour relayer sans discontinuer et avec monomanie la même idée : il faut aplatir la courbe des admissions aux soins intensifs.

Tout a commencé en février 2020 dans la ville italienne de Bergame, au nord-est de Milan, parmi les premières villes européennes touchées par le Coronavirus. Suite à la diffusion d’une vidéo tournée à l’aide d’un smartphone dans un hôpital et aux images dramatiques qui ont suivi dans les journaux télévisés, la saturation des hôpitaux par les malades du Covid-19 va devenir le point d’attention exclusif de toutes les politiques de santé publique, en Suisse et à l’étranger. Ce sera le fondement de toutes les mesures sanitaires prises par les gouvernements pour lutter contre cette pandémie, en particulier de la mesure la plus discutable par son ampleur, son coût et son inefficacité : le confinement de toute la population, sans distinction d’âge ni de risques (ci-après le confinement).

Le plus frappant est l’universalité de la consigne et la mobilisation générale des pouvoirs publics et des médias traditionnels, qui se sont d’un coup d’un seul parfaitement alignés pour légitimer et imposer à la population cette mesure extrêmement grave, puisqu’elle restreint de manière exorbitante plusieurs des libertés individuelles garanties par la Constitution. Il est aussi choquant de constater que l’unanimité quasi soviétique obtenue sur la réponse des différents gouvernements à la pandémie – le confinement – repose essentiellement au mieux sur une répétition continue de messages de crise ou, au pire, sur un musellement systématique des opinions dissidentes, au motif qu’elles relèveraient d’un complot ! En effet, presse écrite et journaux télévisés ont indistinctement qualifié de « complotiste » toute personne osant remettre en question le bien-fondé du confinement, de sorte que le principe même du confinement n’a jamais été débattu.

Le rôle de ces médias dans cette hypnose collective est à ce titre édifiant, tant le matraquage de messages anxiogènes a été donné dans le seul but d’affirmer et de justifier un objectif aussi illusoire qu’inutile : il faut aplatir la courbe des infections à un niveau tel que les services d’urgence des hôpitaux ne soient pas saturés, ce que seul le confinement est à même de permettre.

Pour ce faire, rien n’est plus efficace que d’activer quotidiennement le compteur à décès, et de présenter en boucle la comparaison des scores pays par pays. Il est probable que dans cet exercice, autorités et médias ont compté bien souvent avec beaucoup de générosité des décès dus au Covid-19 alors même qu’ils avaient une autre cause, alimentant ainsi un écart significatif entre la perception de la population et la réalité des chiffres. Mais, malgré cet aveu, autorités et médias persistent encore à les utiliser.

Comment a-t-on pu en arriver à une telle propagande ?

A mon sens, la mise en oeuvre de plusieurs phénomènes a conduit à ce résultat dramatique, tant par les conséquences humaines et économiques que le confinement a engendrées que par le piétinement des principes moraux et démocratiques qu’il a imposé.

L’absence totale de débat démocratique : la démission politique

Le confinement est un choix politique, il faut le rappeler. Ce choix politique a été opéré par le Conseil fédéral et les différents gouvernements cantonaux en se fondant principalement et exclusivement sur l’avis d’un groupe de scientifiques, la Swiss National Covid-19 Science Task Force. Le confinement est donc la réponse de spécialistes scientifiques et universitaires, dont la mission principale consiste à endiguer la pandémie.

Or, à aucun moment la solution du confinement n’a été discutée, au niveau politique, ni ses conséquences économiques et sociales. Aucun débat puisque la cause était entendue : le confinement est nécessaire parce que les scientifiques de la task force l’ont dit. Point final. Ce qui permettra aux responsables politiques de ne pas être tenus pour responsables de leur décision puisqu’ils ont fait ce que les scientifiques leur ont dit de faire. Ils pourront affirmer ensuite que la crise économique qu’ils ont générée sera le fait du Coronavirus.

Les parlementaires sont restés muets, comme sidérés. Le Conseil fédéral et les gouvernements cantonaux ont décidé seuls, flanqués de consultants privés et de virologues murmurant à l’oreille des ministres. C’est ni plus ni moins une démission politique majeure qui a eu lieu sous nos yeux.

Mais elle n’a été rendue possible que grâce l’aide des médias qui ont délibérément entretenu cette confusion.

L’absence de contradiction : la démission des médias

Les journalistes de la presse écrite et de la télévision n’ont pas fait leur travail, c’est une évidence. Une fois la première vague passée, il aurait fallu une remise en question du confinement décidé par nos autorités politiques et une analyse des conséquences de leur choix sur la santé mentale de la population.

Au lieu de ça, nous avons eu droit à des rapports continus sur le nombre de personnes infectées – ont-elles guéri depuis ? -, des pays inclus sur la liste des pays à risque – en sont-ils jamais sortis ? -, et du nombre de tests de dépistage PCR positifs, dont on ne sait toujours pas s’il s’agit véritablement de personnes atteintes du virus. On y ajoutera l’évolution du taux de reproduction effectif Re et, depuis décembre 2020, le taux de reproduction du variant « britannique » du Covid-19, puis « brésilien », légitimant qu’on maintienne les gens à la maison pourvu qu’on aplatisse la courbe des admissions dans les services d’urgences des hôpitaux.

Les médias ont fait également un choix. Ils ont choisi de jouer la partition des responsables politiques, en abreuvant la population de messages anxiogènes. Parce que la peur fait vendre. Tout simplement. L’affirmation de la légitimité du confinement et l’obsession de la courbe plate des admissions aux soins intensifs ont été, depuis plus d’une année, repris et diffusés, sans aucune contradiction, par tous les médias traditionnels suisses et internationaux.

Les médias suisses n’ont par exemple pas fait grand cas du fait que les tests PCR peuvent produire de nombreux résultats erronés lorsque le taux de positivité décroît, ce qui est le cas en fin de phase épidémique (source OMS), alors que lesdits tests PCR ont été la base de toutes les mesures de santé publique, du port du masque aux quarantaines !

Les décomptes quotidiens des nouveaux cas continuent, par contre, d’alimenter les titres des journaux …

La crise du Covid-19 a révélé la faillite du système de la santé

Cette pandémie a été le révélateur d’un fait que les médias n’ont curieusement pas encore relevé : les Etats, et notamment la Suisse, ont, depuis de nombreuses années, complètement désinvesti en termes de lits d’hôpitaux, de laboratoires et d’infrastructures sanitaires, dans une proportion qui confinerait à l’irresponsabilité, si l’on en croit le Prof. Dr. Georges Ugeux1. C’est donc parce que nos hôpitaux sont sous-dimensionnés, notamment en soins intensifs, que l’on maintiendrait toute une population à la maison pour pouvoir admettre tous les malades du Covid-19 dans nos hôpitaux.

En d’autres termes, ce serait pour éviter aux responsables politiques de devoir rendre des comptes sur leur politique sanitaire depuis dix à vingt ans que l’on refuse depuis plus d’une année aux individus atteints d’autres maladies graves voire mortelles l’accès aux hôpitaux et aux soins dont ils ont besoin.

Cela a du sens en effet. Sinon pour quelle autre raison voyons-nous nos responsables politiques de Suisse et d’ailleurs s’agripper avec la plus grande énergie à cette idée complètement absurde de réduire le nombre de personnes atteintes du Covid-19 à un chiffre proche de zéro ?

Il n’est pas sûr cependant qu’on ait toléré le coût de plus de lits inutilisés pendant la décennie écoulée. Mais à défaut d’autre explication, cette affirmation est intellectuellement tout à fait acceptable.

Conclusion

Des responsables politiques qui n’assument pas leur responsabilité dans un système de santé en faillite et des médias qui ne font pas leur travail. Voici le cocktail Covid-19. A votre santé !

1 Prof. Dr. Georges Ugeux a été numéro deux de la Bourse de New-York pendant vingt ans. Il enseigne désormais à la Columbia School of Law, aux Etats-Unis.