- Plein Centre - Baptiste Müller
93,5% de réussite au gymnase vaudois, et alors?

Le taux de réussite des formations gymnasiales dans le canton de Vaud est désormais public, établissement par établissement. L’Etat en a décidé la publication après avoir déjà réalisé celle des épreuves cantonales de référence (ECR) à la suite d’un recours de 24 heures auprès du préposé cantonal au droit à l’information, fondé sur la loi sur la transparence.
Que nous révèlent ces chiffres? Tout d’abord que la moyenne cantonale de réussite de l’Ecole de maturité entre 2019 et 2023 s’élève à 93,5%. Nyon est en tête avec 96,6% tandis qu’Yverdon-les-Bains ferme la marche à 89,9%. Du côté de l’Ecole de culture générale (ECG), la moyenne cantonale est de 89,6%, avec le Bugnon à 94,6% et Renens en queue de peloton à 85,5%.
Le Département de l’enseignement et de la formation professionnelle marche par ailleurs sur des œufs pour expliquer que les taux de réussite d’un gymnase à l’autre ne sont pas comparables et ne constituent pas un ranking, les examens n’étant pas identiques entre les établissements, sans compter les différences sociodémographiques entre les régions. Ces explications sont tout à fait rationnelles.
Une maturité déjà très accessible
Il n’y a pas grand-chose d’autre à tirer de l’évolution entre les années des différents établissements. On en restera donc surtout au chiffre de 93,5% de réussite de la maturité, qui surprend. Ce taux, déjà plutôt élevé dans l’absolu, l’est encore plus dans le cas d’espèce. En effet, dans un canton où 46% des élèves quittant l’école entrent directement au gymnase, ce qui est presque un record sur le plan suisse, un tel taux de réussite paraît particulièrement haut. On pourrait s’attendre à ce que la maturité gymnasiale, cette formation tellement exigeante et astreignante qu’il faut en allonger la durée d’une année, présente un taux de réussite plus bas. Mais non. Dans ces conditions, à quoi bon la passer à quatre ans? Les élèves n’en ont manifestement pas besoin, puisqu’ils achèvent déjà avec succès le programme dans un gymnase en trois ans.
Ce chiffre ne mesure bien sûr que la réussite tout au bout du parcours. On nous rétorquera donc qu’une partie des élèves seulement le finissent en trois ans, puisque environ 40% des gymnasiens redoublent une année et effectuent donc déjà, dans les faits, un gymnase en quatre ans. Ce n’est toujours pas une bonne raison pour obliger les autres à réaliser une année de plus, mais passons. Il faut aussi prendre en compte le nombre d’élèves qui se détournent de la maturité à la fin de la première année. Ils seraient 30%, d’après une communication de l’Etat de Vaud datant de 2019, et même 40% en Ecole de culture générale! Il n’y a pas de raisons de penser que les chiffres aient beaucoup changé depuis.
«On pourrait s’attendre à ce que la maturité gymnasiale, cette formation tellement exigeante et astreignante qu’il faut en allonger la durée d’une année, présente un taux de réussite plus bas.»
Un écrémage relatif
Il y a donc un certain écrémage entre la fin de la scolarité, où le gymnase est particulièrement attractif, et la réussite de la maturité. Mais celui-ci reste léger dans la mesure où le taux de maturité gymnasiale à 25 ans s’élève à 32,6% sur Vaud, alors que la moyenne suisse est de 22,9%. Ces données relativisent donc le taux de réussite, qui semblait bien impressionnant au premier regard. Elles mettent surtout en lumière l’importante inefficience du système vaudois de formation, qui fait de la voie gymnasiale la plus grande école de transition, à laquelle une grande partie des jeunes vont «par défaut» et dont un nombre important finit par réaliser, tardivement, un apprentissage, portant son âge moyen à l’entrée à 19 ans.
Ce qui serait véritablement intéressant, en revanche, serait de disposer des taux de réussite en première année d’Université, en fonction du canton de réalisation de la maturité gymnasiale. Un tabou pour les cantons, qui ne les ont jamais publiés. On peut raisonnablement douter que les Vaudois trustent la première place.
Au fond, ces chiffres nous en apprennent moins sur le système vaudois qu’ils ne renforcent la conviction que le gymnase en quatre ans n’apportera rien. Il s’agira donc de bien repenser la fin de la scolarité obligatoire pour éviter les conséquences néfastes de cette réforme. Heureusement, dans ce domaine-là, le canton garde encore un peu de compétence et n’est pas entièrement soumis au diktat intercantonal… pour l’instant.
Gymnase en quatre ans, quo vadis?
Evolution imposée par les autres cantons, la maturité gymnasiale en quatre ans sera une réalité en 2038 au plus tard. Un immense chantier sur le plan des ressources pour l’Etat de Vaud, mais aussi une grande occasion de modifier la fin de la scolarité obligatoire pour valoriser davantage la formation professionnelle. Les travaux sont en cours. Seuls les milieux scolaires y sont représentés, mais les milieux économiques sont régulièrement consultés. Le sujet ne manquera pas d’occuper ces pages dans les prochaines années.
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