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- Mobilité - Cenni Najy

London calling ! Une liaison ferroviaire directe entre l’Arc lémanique et Londres est-elle souhaitable ?

Les Suisses se déplacent beaucoup en Europe, principalement vers les grandes villes et les zones touristiques du sud du continent. Une destination sort néanmoins du lot : Londres. En effet, chaque année, on estime que les flux entre la Suisse et la capitale du Royaume-Uni s’élèvent à 2,3 millions de passagers par an (2019). Or, d’après une étude récente, l’avion est le moyen de transport utilisé dans environ 95% des voyages. Il faut dire que la capitale du Royaume-Uni est extrêmement bien desservie par les airs, notamment au départ de Genève avec jusqu’à 45 vols lors des pics hivernaux. En outre, le voyage par le train est plutôt long (environ 7h15 avec un changement chronophage à Paris entre la gare de Lyon et celle du Nord).

Début mars 2024, le député vaudois David Vogel (PVL-VD) et sa consœur genevoise Diane Barbier-Mueller (PLR-GE) ont déposé deux textes à l’agenda de leurs parlements cantonaux respectifs. Ces textes (un postulat côté vaudois et une motion côté genevois) demandent aux cantons de Vaud et de Genève d’étudier la faisabilité et l’opportunité d’une liaison directe entre l’Arc lémanique et la capitale du Royaume-Uni. Cette étude pourrait être réalisée avec l’aide des CFF et devrait évaluer plusieurs questions complexes dont celle de la rentabilité et celle de la garantie de déficit.

De prime abord, l’idée paraît un peu exotique. En effet, Londres est située à environ 1000 km de Genève et Lausanne, ce qui laisse augurer un voyage long et des risques de retards accrus. En outre, il semble difficile d’éviter un changement à Paris, tant le réseau ferré français est centralisé (en particulier celui des lignes grande vitesse). Enfin, le Royaume-Uni n’est pas membre de la zone Schengen, ce qui pose des problèmes de contrôle d’accès aux trains.

Toutefois, un premier examen montre que l’idée n’est pas sans fondement. Premièrement, le barreau de Marne-la-Vallée permet aux trains à grande vitesse d’éviter la capitale française ce qui permet un gain de temps appréciable. Dans le cas où un arrêt à Paris serait néanmoins envisagé, il semble possible d’éviter une correspondance. D’autre part, le succès commercial de l’Eurostar entre Paris/Bruxelles/Amsterdam et Londres montre qu’il est possible d’instituer des contrôles d’accès de type Schengen dans des gares moyennant néanmoins des investissements appropriés. Enfin, si le temps de parcours d’une ligne directe parait rédhibitoire (5 à 6 heures), il faut se souvenir que la plupart des aéroports londoniens sont situés relativement loin du centre de Londres et que les contrôles d’accès des aéroports sont de plus en plus complexes et longs. Par conséquent, les trajets de « porte-à-porte » avec l’avion pourraient être similaires à ceux d’un train direct entre l’Arc lémanique et la capitale du Royaume-Uni.

Cela dit, pour pouvoir (re-)gagner des parts de marchés, il faudra surtout que le rail gagne en compétitivité. Or, les facteurs décisifs de cette course à la compétitivité ne seront pas uniquement liés au temps de parcours. Les facteurs-prix et la qualité du service (confort, ponctualité, commodité des horaires etc.) joueront aussi un grand rôle. Dans ces domaines, le secteur ferroviaire a certainement une carte à jouer, particulièrement s’il accepte de se plier aux règles de la concurrence européenne, dont on voit bien les effets positifs au sein de l’UE. Dans ces conditions, le train pourrait enfin concurrencer l’avion. C’est d’autant plus vrai que la qualité du service n’est pas toujours à la hauteur dans le secteur aérien, particulièrement au sein des compagnies aériennes à bas coût. Notons aussi que les effets positifs d’une offre ferroviaire plus compétitive ne se limiteraient pas à une augmentation du bien-être des passagers mais pourraient aussi se mesurer à l’aune de la diminution des émissions de gaz à effet de serre. A ce sujet, rappelons que le train (même à grande vitesse) demeure un moyen de transport bien moins carboné que l’avion.

A ce stade, il reste encore beaucoup d’étapes avant que l’idée d’une ligne ferroviaire directe entre l’Arc lémanique et Londres puisse se matérialiser. Tout se jouera à Berne, notamment lors de la conception de la prochaine étape d’aménagement et lors des débats qui suivront aux Chambres. En effet, il s’agit là de questions liées aux compétences fédérales. Notons aussi que la Berne fédérale semble prête à explorer l’éventualité d’une ouverture du marché des lignes ferroviaires internationales. Malheureusement, cette hypothèse est décriée par les syndicats qui adoptent une position dogmatique sur la question et qui ne peut que nuire à tout report modal. En d’autres termes, si les cantons ont bien la possibilité de faire des propositions, ce sont néanmoins les autorités fédérales qui joueront les premiers rôles…et qui auront le dernier mot. Cette situation plaide d’ailleurs en faveur du dépôt d’une motion « relais » lors des prochaines sessions parlementaires par un parlementaire vaudois ou genevois.



Cenni Najy,
Responsable politique Mobilité, énergie, environnement

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