- Relations extérieures - Jimmy Dupuis
L’UE refroidit la place scientifique helvétique
Les programmes de l’Union européenne (UE) sont des projets d’envergure dont le financement est assuré par le budget de l’UE ou par le truchement de contributions des Etats membres ou d’autres partenaires. L’avènement de ces fameux programmes relève des compétences conjointes de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil de l’UE. Dans le domaine de la recherche, la Suisse participe au programme-cadre « Horizon 2020 » pour la recherche et l’innovation. Doté d’un budget de 80 milliards d’euros, ce dernier s’étend de 2014 à 2020. Il bénéficie aux chercheurs établis dans un Etat membre de l’UE ou au sein d’un pays associé. Suite à l’acceptation par le peuple de l’initiative de l’UDC « contre l’immigration de masse » en 2014, les hautes écoles helvétiques avaient été exclues du programme européen pour finalement être pleinement réintégrées en 2017 après la signature du protocole d’extension de la libre-circulation à la Croatie. La détérioration des relations avec l’UE avait alors directement touché la place scientifique, obligeant le Conseil fédéral à arrêter des mesures transitoires.
Dans une récente décision, la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie (ITRE) du Parlement européen a approuvé la proposition de la Commission européenne de classer la Suisse dans la dernière catégorie des pays associés au programme de recherche (PCR) de l’Union européenne. Les scientifiques suisses peuvent donc frémir à nouveau car le risque existe que la Suisse soit rétrogradée au niveau des Etats tiers de l’UE dans le prochain programme européen « Horizon Europe » qui s’étendra de 2021 à 2027. Il va sans dire que la participation au programme de recherche de l’UE revêt une importance primordiale. La collaboration internationale permet de soutenir l’innovation, composante essentielle de notre économie. Toute mise à l’écart du PCR de l’UE serait inévitablement synonyme de perte d’attractivité de la place scientifique helvétique, ce qui engendrerait des difficultés à recruter de nouveaux talents.
A bien des égards, la décision de l’UE peut être comprise de plusieurs manières. Certains n’hésitent pas à l’analyser comme une conséquence directe du Brexit, compte tenu du fait que la Suisse a été placée dans la même catégorie que le Royaume-Uni. A cela, il faudrait bien évidemment répondre le cas échéant que la situation de la Suisse n’est pas celle de la Grande-Bretagne. Le respect de la libre circulation des personnes depuis la conclusion des premiers accords bilatéraux fait que la Suisse devrait être automatiquement assimilée aux pays de l’AELE. Une autre analyse –plus réaliste – consiste à interpréter la décision de l’UE comme une marque de zèle liée au dossier de l’accord institutionnel. Quoiqu’il en soit, à l’heure où ce dernier paraît cliniquement mort faute de respect des lignes rouges fixées par le Conseil fédéral, il convient de tabler sur le bon sens du Parlement européen et sur l’attitude positive du Conseil des ministres qui saura on l’espère se remémorer la dynamique ayant présidé à l’adoption de l’accord-cadre de coopération scientifique et technique entre la Suisse et l’ancienne communauté européenne. Dans les méandres du jeu institutionnel complexe de l’UE, rien ne semble encore gravé dans le marbre.