- Relations extérieures - Jimmy Dupuis
Vers un plan de relance européen à 750 milliards ?
Au sein d’une Union européenne (UE) centrée sur la compétitivité, la solidarité entre les Etats membres ne va pas forcément de soi. L’UE n’ayant pas le statut d’Etat fédéral, sa marge de manœuvre en matière de politique conjoncturelle est limitée, même en temps de crise. Ceci étant, la pandémie de COVID-19 représente un défi inédit. L’économie européenne subira en 2020 une récession historique de l’ordre de 7,5% et nul n’échappera au ralentissement économique global. Dans ces conditions, la construction européenne pourrait progressivement évoluer vers une forme de mutualisation budgétaire.
Initialement, l’UE a apporté au coronavirus une pure réponse de politique monétaire. Le programme d’assouplissement quantitatif mené par la Banque centrale européenne (BCE) a effectivement reçu un sérieux coup d’accélérateur. En continuant d’inonder ainsi le marché de liquidités – au risque d’ailleurs de générer des bulles –, la BCE tente d’améliorer les conditions financières afin de faciliter le prêt. Certes, les effets d’une telle politique sur l’économie réelle sont sujets à caution. L’action de la BCE est en outre contestée par certains Etats membres de l’UE. L’institution doit donc se livrer à un perpétuel exercice d’équilibriste puisqu’il s’agit de composer avec des situations économiques foncièrement disparates tout en ménageant les sensibilités des uns et des autres.
Outre les multiples mesures sectorielles prises, l’UE planche également sur un plan de relance de 750 milliards, porté par le couple franco-allemand. Il est à noter que cette proposition est adossée au budget à long terme de l’UE d’un montant de 1’100 milliards d’euros. Le plan de relance envisagé a cela de particulier qu’il suppose une mutualisation de la dette européenne. En d’autres termes, l’UE emprunterait en son nom, ce qui constituerait un pas important vers une union budgétaire. Or, un tel endettement commun doit recevoir l’aval des Etats membres, ce qui ne se fera pas sans une rencontre au sommet durant laquelle il s’agira de rallier les Etats dits frugaux, qui souhaitent que l’UE emprunte un minimum et ne prête qu’avec le maximum de conditions.
A défaut de plan de relance ambitieux, l’UE risque de subir de plein fouet les effets de la récession, ce d’autant que le niveau d’endettement des Etats membres est déjà sérieux et que nombre d’administrations nationales ne disposent quasiment plus de marge de manœuvre budgétaire. L’UE a par ailleurs plus que jamais besoin de faire front commun, ne serait-ce par exemple que dans le cadre de la négociation de l’accord commercial avec le Royaume-Uni. Car au-delà de la gestion de l’après-Brexit, l’UE est aussi appelée à jouer un rôle clé sur une scène mondiale obnubilée par le conflit sino-américain.
Dans ce contexte délicat, la Confédération doit pour sa part s’adapter tant bien que mal. La Banque nationale suisse (BNS) poursuit son action afin de contenir l’appréciation du franc. A ce titre, l’avènement d’un plan de relance européen entraînerait un relâchement bienvenu de la pression sur la monnaie nationale, valeur refuge par excellence. La Suisse a incontestablement intérêt à ce que la situation se stabilise au sein de la zone euro. Pour le surplus, il n’est pas impossible que la Confédération soit appelée – en sa qualité de pays tiers participant au marché intérieur européen – à contribuer d’une manière ou d’une autre à la reconstruction économique de l’UE. Cette problématique sera vraisemblablement abordée dans le cadre des discussions autour de l’accord institutionnel, une fois l’initiative de limitation définitivement écartée.