- Relations extérieures - Jimmy Dupuis
Accord-cadre : la vérité sur le tribunal arbitral
L’accord institutionnel entre la Suisse et l’Union européenne (UE) prévoit de soumettre les litiges entre les parties à un tribunal arbitral, composé de juges suisses et européens. Concrètement, en cas de divergence d’opinion sur l’interprétation ou la mise en œuvre d’un traité entrant dans le champ d’application de l’accord-cadre, la partie s’estimant lésée doit tout d’abord saisir le comité mixte concerné. Si celui-ci ne trouve pas de solution dans un délai de trois mois, chaque partie peut requérir la constitution du tribunal arbitral. Ce dernier est amené à rendre une décision qui lie les parties. Toutefois, lorsqu’une partie décide de ne pas mettre en œuvre la décision arbitrale, l’autre partie est libre de prendre des mesures de compensation proportionnées. Dans ces circonstances, la partie affectée par les mesures de compensation conserve la faculté de demander au tribunal arbitral d’en examiner la proportionnalité.
Lorsque le litige soulève une question d’interprétation du droit européen, le tribunal arbitral a la possibilité de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le différend sera alors réglé sur la base de l’interprétation effectuée par la CJUE. Contrairement à ce qu’affirment les détracteurs de l’accord institutionnel, le tribunal arbitral dispose d’une véritable marge de manœuvre. Il n’est dès lors pas automatiquement tenu de porter le différend devant la CJUE, quand bien même une des parties le demanderait. En effet, l’art. 10 ch. 3 du projet d’accord stipule que l’organe arbitral saisit la CJUE uniquement dans la mesure où son interprétation est à la fois pertinente pour régler le différend et nécessaire pour lui permettre de statuer.
Ainsi, l’intervention de la CJUE dans le système de règlement des différends n’est pas la règle mais l’exception. Il y a en outre tout lieu de penser que les parties auront l’intelligence de régler la plupart des litiges au stade des comités mixtes, tant il est patent que la convocation d’un tribunal arbitral implique un certain coût. Cela signifie que le tribunal arbitral sera vraisemblablement formé de manière tout à fait occasionnelle. L’affirmation selon laquelle le mécanisme instauré par l’accord-cadre n’est pas à l’avantage de la Suisse apparaît donc comme excessive. La souveraineté helvétique ne souffrira pas outre mesure du recours à l’arbitrage, qui constitue d’ailleurs une solution fréquemment utilisée en matière commerciale, notamment dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de certains accords de libre-échange. La vérité est que la Suisse bénéficiera d’une protection juridique en cas de conflit au lieu de dépendre de l’arbitraire des décisions politiques de l’UE, ceci sans être soumise à une instance supranationale. Une telle vérité est bonne à rappeler.