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- Politique économique - Sandrine Hanhardt Redondo

Nouveau droit de la SA et seuils de représentation dans les CA. Quo vadis, Suisse ?

En juin 2020, le Parlement a adopté la révision du droit de la société anonyme (SA), qui contenait plusieurs points. Outre la mise en œuvre, dans la loi, de l’initiative contre les rémunérations abusives et de nouvelles dispositions visant à assouplir les règles en matière de création de société et de capital, elle comprenait également l’introduction de seuils de représentation des sexes ainsi que des règles de transparence plus strictes pour les entreprises actives dans l’extraction de matières premières. Ces deux derniers points sont déjà entrés en vigueur le 1er janvier 2021.

Les nouveaux seuils de représentation des sexes s’appliquent aux grandes sociétés cotées en bourse sises en Suisse et visent à pourvoir davantage de postes de direction avec des femmes. Concrètement, les seuils sont fixés à 30% de femmes pour le conseil d’administration et à 20% de femmes pour la direction. En cas de non-respect de ces seuils, l’entreprise est tenue d’en indiquer les raisons dans le rapport de rémunération et de présenter les mesures prévues pour y remédier. Cette obligation de rapport sera effective cinq ans après l’entrée en vigueur des modifications pour le conseil d’administration, soit en 2026 (et dix ans après pour la direction, soit en 2031).

Où en sont les entreprises dans la mise en œuvre de ces nouvelles règles ? L’obligation légale et le fait que la diversité des sexes au sein des organes de direction soit désormais largement reconnue comme un facteur de réussite stratégique pour les entreprises ont-ils conduit à ce que ces chiffres augmentent comme souhaité ? Au niveau du conseil d’administration, la part des femmes dans les cent plus grandes entreprises de Suisse (secteur privé) s’élevait déjà à environ 24% (directions: environ 13%) au moment de l’entrée en vigueur de la révision de la loi, selon le rapport Schilling 2021. Le Schillingreport 2022 indique que la part des membres féminins au niveau du conseil d’administration est désormais de 26% (directions: 17%).

Cette évolution montre que la croissance de la part des femmes s’est surtout accentuée depuis 2018, c’est-à-dire depuis que le débat sur les quotas de femmes a pris de l’ampleur en Suisse. L’année dernière, 36% des postes vacants dans les directions des cent plus grandes entreprises ont été occupés par des femmes, ce chiffre atteignant même 45% dans les entreprises du SMI. Il n’est pas possible de répondre de manière probante à la question de savoir si c’est la pression croissante de l’opinion publique ou les prescriptions réglementaires qui ont joué le rôle plus important dans cette évolution souhaitable. Le fait est que si la croissance se poursuit à ce rythme, la proportion de femmes dépassera les quotas de 30% dans les conseils d’administration et de 20% dans les directions exigés par la loi avant même la fin des délais transitoires. Si l’on considère cette dynamique, la Suisse est en bonne voie.

Mais il y a certainement encore une marge de progression. En comparaison européenne, la Suisse se situe en queue de peloton, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il faille obligatoirement suivre la voie de l’Allemagne et de ses quotas obligatoires pour atteindre l’objectif fixé. La Suisse devrait plutôt s’inspirer des pays qui ont réussi à augmenter la proportion de femmes sans quotas rigides, comme la Grande-Bretagne ou la Suède.

Guido Schilling, l’éditeur du rapport Schilling, qualifie la réalisation d’un mélange équilibré des sexes dans les organes de direction des entreprises de “projet de génération”. Nous avons beaucoup à gagner de ce point de vue, car l’évolution souhaitée suppose aussi un certain délai pour être durable.

A noter encore qu’en Europe, après un blocage de dix ans, le Parlement européen et les pays de l’Union se sont finalement accordés le 7 juin 2022 sur un projet de loi pour augmenter la présence des femmes dans les conseils d’entreprise (communiqué de presse « Women on Boards » du 8 juin 2022). L’accord vise à garantir la parité des genres dans les conseils d’administration des sociétés cotées en bourse au sein de l’UE. Les PME de moins de 250 employés sont exclus du champ d’application de la directive.

La directive “Women on Boards” a ainsi pour objectif d’intégrer des procédures de recrutement transparentes dans les entreprises, afin qu’au moins 40% des postes d’administrateurs non exécutifs ou 33% de tous les postes de direction soient occupés par des personnes du sexe sous-représenté. Grâce à la décision du Parlement, les sociétés devront désormais respecter cet objectif d’ici au 30 juin 2026, tandis que la proposition du Conseil introduisait le 30 décembre 2027 comme date butoir.



Sandrine Hanhardt Redondo,
Responsable politique droit économique et des sociétés

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