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- Politique économique - Gauthier Dorthe

Cyberadministration et centralisation

La Confédération se digitalise et c’est une bonne nouvelle. Il convient toutefois d’éviter certains écueils de centralisation de compétences, d’imposition illégitime de procédés et d’atteinte au fédéralisme.

En début d’année 2021, la Confédération a mis en consultation un premier avant-projet de la loi fédérale sur l’utilisation des moyens électroniques pour l’exécution des tâches des autorités, LMETA. Cette loi vise à créer des conditions favorables au développement de la cyberadministration tout en assurant la collaboration entre les autorités des différentes collectivités.

Ledit premier avant-projet s’est heurté à de fortes oppositions émanant en particulier d’une majorité des cantons ainsi que de la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC). Principal point d’achoppement : il prévoyait de donner au Conseil fédéral la compétence d’imposer certaines normes et certains services en ligne à tous les cantons et aux autres exécutants du droit fédéral (par exemple les caisses AVS), le tout sans base constitutionnelle.

Le Conseil fédéral a tenu compte de ces objections et les dispositions contestées ont été supprimées dans le projet transmis au Parlement le 4 mars 2022. En juin, le Conseil des Etats, première Chambre à se prononcer, a encore corrigé une autre disposition contestée (art. 4 al. 4) afin de confirmer que les conventions de coopération conclues directement entre la Confédération et les communes doivent obtenir l’approbation des cantons concernés. Ainsi modifié, le projet LMETA apparaissait désormais conforme aux principes constitutionnels et à la structure fédéraliste de la Suisse, et aussi respectueux des nombreux efforts déjà déployés en matière de cyberadministration.

Toutefois, en septembre 2022, le Conseil national relance les hostilités. Il supprime, dans sa dernière version adoptée, les corrections du Conseil des Etats et rétablit un pouvoir de contrainte de la Confédération (art. 2 al. 2bis) – dans une version encore plus maladroite puisque, cette fois, il n’incomberait pas au Conseil fédéral mais à la seule Chancellerie fédérale d’imposer à toute la Suisse des moyens informatiques, des normes et des interfaces.

Le projet retourne au Conseil des Etats. Il serait bon que ce dernier maintienne sa version du mois de juin, seule conforme à l’ordre juridique mais aussi à une approche rationnelle et efficace de la cyberadministration. Les cantons et les autres entités chargées de l’application du droit fédéral doivent disposer d’une marge de manœuvre aussi large que possible et leur autonomie d’organisation doit être respectée.

Chacun comprend bien l’utilité de certaines normes communes et la nécessaire interopérabilité de certains systèmes. Mais l’interopérabilité n’implique pas des solutions uniformes et centralisées, imposées contre l’avis de collectivités publiques pourtant souveraines dans l’organisation de leur administration.



Gauthier Dorthe,
Responsable politique chargé des relations publiques

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