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Troisième correction du Rhône: la hâte est mauvaise conseillère

Cenni Najy
Rédacteur

Après plus de 15 ans de travaux préparatoires, la réalisation de la troisième correction du Rhône est désormais menacée par le canton du Valais. Cette évolution est fâcheuse. A l’heure actuelle, tout porte à croire que cette infrastructure demeure nécessaire pour prémunir la population contre les crues. Compte tenu des enjeux, la position du Conseil d’Etat vaudois appelant le Valais à éviter toute décision prématurée paraît fondée.

Une fois de plus, l’actualité rappelle à quel point il est difficile de réaliser des infrastructures dont les bénéfices ne profiteront qu’aux générations futures. Le 28 mai dernier, le Canton du Valais a annoncé son intention de réviser drastiquement le projet de troisième correction du Rhône visant à sécuriser les abords du fleuve en élargissant son lit et en modifiant son endiguement. L’annonce était attendue après la finalisation d’une étude mandatée par les autorités valaisannes laissant entendre que l’équilibre entre les coûts et les bénéfices du projet n’était pas atteint.

En passant, rappelons que la troisième correction du Rhône n’est pas un petit projet régional. Au contraire, la Confédération le qualifie de projet «générationnel». Cette qualification n’est guère galvaudée puisque le but est de mieux protéger 100’000 personnes contre les crues pour une facture totale avoisinant CHF 3,6 milliards. Sur cette somme, la Confédération assumerait plus de 60% des coûts, le reste demeurant à la charge des cantons de Vaud et du Valais.

Eléments d’appréciation

A ce stade, il serait présomptueux de proposer une quelconque contre-expertise à la récente étude mandatée par le canton du Valais. Plusieurs mois seront nécessaires pour évaluer les nouvelles hypothèses avancées, notamment celle selon laquelle des «débordements contrôlés» pourraient être tolérables. De même, il s’agit d’attendre de voir les contours de la révision drastique susmentionnée pour porter un jugement définitif sur cette affaire.

Cela dit, plusieurs éléments sont d’ores et déjà préoccupants. Ils doivent amener à soutenir la position du Conseil d’Etat vaudois qui appelle à éviter toute décision précipitée et exhorte son homologue valaisan à faire preuve d’une certaine retenue. Cette position apparaît d’autant plus sensée que le projet peut encore subir quelques retouches, sans remise en cause totale.

Premièrement, il est utile de rappeler que la troisième correction du Rhône ne sort pas de nulle part. Elle est le fruit de nombreuses études et de longues réflexions vaudoises comme valaisannes. Notons aussi que la Confédération a été activement associée aux divers travaux et qu’elle a validé en tout point l’approche d’une nouvelle correction. Le message du Conseil fédéral (2018) est formel à cet égard, observant
que «seul un agrandissement du lit actuel du fleuve permet un développement durable». Les trois récentes crues centennales de l’Arve, une rivière alpine partageant plusieurs caractéristiques avec le Rhône, accréditent cette observation.

Deuxièmement, il faut constater que les conclusions de la nouvelle étude susmentionnée sont présentées de manière soudaine et que la décision de réviser entièrement le projet est hâtive. Cet «unilatéralisme empressé» interpelle. A minima,
il apparaît que le Conseil d’Etat valaisan aurait dû s’abstenir de tirer la prise sans procéder à une évaluation précise des conséquences de l’abandon d’un projet aussi mature (y compris sur les subventions fédérales).

«La troisième correction du Rhône, comme tout infrastructure d’importance, vise à produire des effets sur plusieurs décennies. Divisée par sa durée de vie, les coûts totaux doivent donc être relativisés.»

La sécurité à long-terme doit primer sur les motifs conjoncturels

La plupart des observateurs reconnaissent la situation difficile dans laquelle se trouve le canton du Valais alors que ses autorités doivent désormais faire face à des nouvelles charges liées à des événements «extraordinaires». Il n’en demeure pas moins que l’une des conditions cadres nécessaire à tout développement économique harmonieux demeure la sécurité de l’appareil de production. Cet argument prend tout son sens alors que plusieurs installations critiques de la vallée du Rhône (rail, route, énergie etc.) se trouvent à la merci d’une crue. D’autre part, la troisième correction du Rhône, comme toute infrastructure d’importance, vise à produire des effets sur plusieurs décennies. Divisée par sa durée de vie, les coûts totaux doivent donc être relativisés.

Soulignons enfin que la réalisation de la troisième correction du Rhône n’est pas qu’une question de risque, par définition difficilement quantifiable. Elle permettrait aussi de sortir plusieurs parcelles des zones dites inondables (et donc inconstructibles). C’est le cas de la zone industrielle d’Aigle et de plusieurs secteurs adjacents dont le potentiel de développement immobilier est avéré. Cette situation pèse déjà sur le développement d’une partie du Chablais (vaudois comme valaisan) alors même que cette région a besoin de meilleures conditions cadres.

Il faut espérer que l’ensemble de ces éléments seront mieux pris en compte dans les prochaines étapes décisionnelles valaisannes (en particulier lorsque le dossier arrivera au Grand Conseil).

Baptiste Müller
Rédacteur responsable, , secrétaire général adjoint – FPV



Cenni Najy,
Responsable politique Mobilité, énergie, environnement

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