- Actualités Vaudoises - Olivier Rau
Le lancinant fléau de la mendicité enfin au menu du Grand Conseil
Ensuite d’un arrêt de 2021 de la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH), la loi vaudoise prévoyant l’interdiction de la mendicité ne peut plus être appliquée. Après une consultation à l’été 2022, le Conseil d’Etat a déposé le 5 juillet 2023 un projet de révision et la commission du Grand Conseil a désormais rendu ses rapports.
Dans le canton de Vaud, une initiative législative déposée en 2013 déjà est à l’origine de l’interdiction de la mendicité entrée en vigueur le 1er novembre 2018. Cette interdiction est prévue dans la loi pénale vaudoise et a remplacé les différentes dispositions des règlements de police communaux qui pouvaient s’appliquer jusqu’alors.
En janvier 2021, la CourEDH a rendu un arrêt dans une affaire genevoise, considérant que la répression sans nuance de la mendicité n’est pas conforme au principe de proportionnalité puisqu’elle n’est pas précédée d’un examen de la situation de la personne et ne vise pas à lutter contre la criminalité organisée ou à protéger les passants, résidents et commerçants.
Techniquement toujours en vigueur, l’interdiction de la mendicité en terre vaudoise est en réalité devenue lettre morte ensuite de cet arrêt. Les autorités de poursuite pénale ne sont plus en mesure de l’appliquer et il faut donc que nos dispositions cantonales soient adaptées à la jurisprudence de la CourEDH, qui nous lie de par les engagements internationaux pris par la Suisse.
«Passants, résidents ou propriétaires se plaignent à raison et la situation actuelle n’est plus tolérable. Il faut rapidement qu’un nouveau cadre légal soit donné.»
Situation fortement dégradée
On ne comprend pas comment le conseiller d’Etat en charge a pu affirmer devant la commission du Grand Conseil que «le gel du dispositif n’a pas eu pour effet de provoquer une recrudescence de la mendicité sur le territoire vaudois». En effet, quiconque fréquente n’importe lequel des centres urbains (et d’ailleurs pas seulement les principaux d’entre eux – l’auteur de ces lignes habite une bourgade de moins de 5’000 habitants) n’a pu que constater l’évidente et sensible augmentation de la mendicité, que ce soit dans les marchés, aux terrasses des restaurants, devant les gares, magasins, commerces, etc. Passants, résidents ou propriétaires se plaignent à raison et la situation actuelle n’est plus tolérable. Il faut rapidement qu’un nouveau cadre légal soit donné.
Dans l’ensemble, la révision proposée de la loi pénale vaudoise nous semble adéquate, s’agissant par exemple de la mendicité intrusive, agressive ou de réseau (exploitation de la mendicité d’autrui, en particulier de personnes dépendantes ou de mineurs) ou encore du dispositif de sanctions.
Propositions concrètes
Les enjeux se trouvent essentiellement aux deux premiers alinéas de l’article 23, sous le titre «Mendicité». Au premier alinéa, la majorité de la commission propose contre toute attente de poser comme principe non pas l’interdiction, mais l’autorisation de la mendicité sous réserve (!). Nous invitons pour notre part le Grand Conseil à suivre le Conseil d’Etat et la minorité de la commission, qui ne veulent pas d’un tel retour en arrière et confirment le principe de l’interdiction, en retenant la formulation suivante:
1 La mendicité est interdite si elle est de nature à porter atteinte à la liberté de choix du passant.
Le deuxième alinéa sert à préciser ce qu’il faut entendre par cette atteinte à la liberté de choix du passant. Nous invitons le Grand Conseil à suivre la minorité de la commission, qui propose un certain nombre de modifications et compléments:
2 Est de nature à porter atteinte à la liberté de choix du passant:
a. la mendicité intrusive ou agressive;
b. la mendicité pratiquée
— dans les transports publics et leurs arrêts, les cimetières, les files d’attente des marchés et files d’attentes ou d’établissements qui pratiquent la vente de mets ou de boissons à l’emporter,
— sur les terrasses et aux entrées des établissements publics, les cimetières, aux abords
— à proximité immédiate des écoles, crèches, et places de jeux, à proximité immédiate des banques, bureaux de poste, distributeurs automatiques d’argent, horodateurs,
— aux entrées des immeubles d’habitation et de bureaux, bâtiments et installations publics, magasins, établissements médicaux et de soins, musées, théâtres et cinémas.
Pour des motifs d’applicabilité par les différents corps de police, il est en tout cas fondamental de retenir l’entier du périmètre des marchés et non seulement les files d’attentes desdits marchés. Il serait même probablement utile de préciser la notion de «proximité immédiate» en reprenant la règlementation bâloise, validée le 13 mars 2023 par le Tribunal fédéral: «à moins de cinq mètres». On pourrait encore ajouter les situations où la mendicité s’exerce en groupe.
Il sera désormais possible de faire figurer l’acronyme «AOC» sur les vins vaudois, alors que la mention complète «Appellation d’origine contrôlée» était jusqu’alors nécessaire. Ainsi en a décidé le Conseil d’Etat, répondant favorablement au postulat de Céline Baux qui le demandait. Notre canton faisait figure d’exception parmi ses voisins qui acceptent tous l’abréviation, à l’exception de Fribourg qui pourrait cependant suivre. Cette simplification donnera plus de flexibilité aux producteurs pour élaborer leurs étiquettes, qui sont un facteur important d’attractivité. A noter que ceux qui voudraient conserver la mention complète pourront le faire. Parcours sans faute pour cette motion – munie de 67 signatures de tous bords – transformée en postulat, adopté à l’unanimité de la commission et auquel le Conseil d’Etat donne suite en à peine plus d’une année. Il est parfois facile de simplifier la réglementation. Son titre «pourquoi faire compliqué lorsque l’on peut faire simple» est une maxime que chacun pourrait appliquer plus souvent.