- Actualités Vaudoises - Jean-Blaise Roggen
L’impôt minimal sur les grands groupes d’entreprises; mise en œuvre et impact dans le canton de Vaud
A l’heure de l’introduction, au 1er janvier 2024, par le Conseil fédéral de l’impôt minimal sur les grandes entreprises (OCDE GLOBE Pillar two) il est intéressant de faire le point sur les effets concrets de sa mise en œuvre dans le canton de Vaud.
Le 22 décembre dernier le Conseil fédéral a confirmé l’entrée en vigueur de l’Ordonnance sur l’imposition minimale complémentaire des grands groupes d’entreprises au 1er janvier 2024. Cet impôt minimal de 15 % applicable aux sociétés générant un chiffre d’affaires annuel consolidé de plus de 750 millions d’Euros avait été très largement adopté par le peuple et les cantons le 18 juin 2023.
Cette entrée en vigueur met fin aux spéculations sur un report éventuel de la mise en place concrète de cet impôt par la Confédération. En effet plusieurs états (et non des moindres puisqu’il s’agit notamment des Etats-Unis, de la Chine, de l’Inde, de Dubaï ou de Singapour) ont décidé de ne pas introduire cet impôt fondé sur le projet de l’OCDE « GLOBE Pillar two » en 2024 malgré l’aval qu’ils ont donné à ce projet. Devant ce retard dans la phase de mise en place, des voix, dont celles d’economiesuisse et de SwissHoldings, se sont fait entendre dans notre pays pour en retarder également l’entrée en vigueur. Mais le Conseil fédéral s’était engagé lors des votations comme envers certains partenaires importants (l’Union Européenne notamment) pour une entrée en vigueur en 2024 et il a tenu parole.
Conséquences pour notre canton
Dans le canton de Vaud, le nombre de contribuables impactés reste conjectural,« quelques centaines d’entreprises » selon l’Administration Cantonale des Impôts, qui est restée très évasive sur l’impact concret de la mesure sur les finances cantonales. Notons que l’impôt minimal touche non seulement les grands groupes vaudois mais également les filiales des groupes étrangers dans notre canton. De son côté, Genève annonce environ 600 contribuables concernés tandis que Fribourg les évalue à une soixantaine. Gageons que les chiffres vaudois devraient être à mi-chemin mais sans doute plus proches de ceux de nos voisins lémaniques. Sur un plan strictement financier les estimations sont très prudentes même au niveau de la Confédération (entre 1 milliard et 2,5 milliards de francs par année selon elle) et les cantons communiquent peu sur la question, conscients de la très grande mobilité des facteurs d’imposition au sein des grands groupes impliqués.
Un autre facteur qui pèsera sur le rendement de l’impôt est la réaction des cantons à son introduction. Même si l’ordonnance prévoit une part de 75% de ses revenus à leur intention rien ne garantit que la future loi pérennise cette clé de répartition. Dès lors, pour garantir leurs recettes fiscales, plusieurs cantons, dont Vaud, ont préféré prévoir une hausse d’impôt à l’intention des contribuables concernés. Ainsi, dès 2025 l’impôt sur le bénéfice des sociétés dans le canton de Vaud verra l’introduction d’un barème progressif avec un taux de 3.75% pour la tranche du bénéfice net imposable excédant 10 millions de francs (3,1/3% comme précédemment au-dessous de 10 millions). Quant aux recettes de l’impôt minimal lui revenant, le canton compte les utiliser pour soutenir les conditions-cadres de l’économie dans les domaines notamment du soutien à la R&D, de la formation, de l’efficience énergétique ou de l’accueil extra-familial. Outre le risque de saupoudrage accentué par l’incertitude sur le montant des recettes allouées on attendait beaucoup plus d’ambition de la part de nos autorités.
«Avec l’impôt minimal, il ne sera plus possible d’attirer de futurs gros contribuables via des allégements fiscaux temporaires ou les incitations fiscales usuelles.»
Une concurrence qui change de nature
Nos concurrents à l’échelon international (et même national) sont à cet égard beaucoup plus proactifs et ambitieux déplaçant la concurrence de la fiscalité vers d’autres terrains. En effet, avec l’impôt minimal, il ne sera plus possible d’attirer de futurs gros contribuables via des allégements fiscaux temporaires ou les incitations fiscales usuelles (« patent box », superdéduction R&D notamment). Dans ce contexte, on aurait tort de faire l’économie d’une réflexion approfondie sur les outils d’attractivité et leur application, en prenant en compte tous les enjeux économiques liés. Il s’agirait donc d’examiner différents mécanismes ambitieux, pérennes et disponibles à tous. Plusieurs de nos concurrents traditionnels ont déjà pris les devants alors que certains cantons de Suisse centrale y songent très sérieusement.
A l’heure de fêter l’indépendance vaudoise en ce 24 janvier, l’audace, l’indépendance et l’esprit d’initiative de nos devanciers sont plus que jamais des modèles à suivre.
La valorisation de la formation professionnelle a été portée à l’agenda comme mesure prioritaire du précédent Conseil d’Etat, symboliquement au chiffre 1.1 du plan de législature. Une initiative poursuivie par la nouvelle majorité et le nouveau Chef du département de l’enseignement et de la formation professionnelle Frédéric Borloz. Les annonces le confirment, des idées sont lancées et des discussions prennent place.
De nombreux députés s’intéressent de près à l’apprentissage. Parmi eux, David Vogel demande des précisions sur les objectifs chiffrés du Conseil d’Etat: quelle répartition de la formation gymnasiale et professionnelle? Quels moyens «coercitifs» imaginés si les moyens incitatifs déjà déployés ne suffisent pas? Enfin, il demande si le Conseil d’Etat entend prendre contact avec les milieux économiques sur cette question. A ce sujet, notre Fédération se réjouit des échanges régulièrement entretenus sur cette thématique très importante pour le tissu économique. Cette interpellation est donc une excellente occasion pour Frédéric Borloz de préciser ses objectifs en la matière.