- Actualités Vaudoises - Baptiste Müller
Comptes 2023: il faut réagir !
Après presque vingt exercices bénéficiaires, l’Etat de Vaud présente des comptes déficitaires sur le plan opérationnel, à hauteur de 39 millions. Alors que ses recettes fiscales ne cessent de croître sur le dos de contribuables de plus en plus impatients, les dépenses atteignent des niveaux déraisonnables.
Sur le plan des recettes fiscales, pas de grande surprise : elles ont augmenté de 238 millions par rapport à 2022 (+3,8%). Les contribuables, particuliers et entreprises, continuent donc d’être fortement mis à contribution. Mais alors, comment se fait-il qu’on ne retrouve pas dans la suite des comptes les mêmes données qu’à l’accoutumée, à savoir plusieurs opérations de bouclement masquant un résultat opérationnel se situant autour du demi-milliard que l’Etat aura accumulé, comme chaque année ?
Des déclarations dans tous les sens
Au premier coup d’œil, on remarque qu’un retraitement des fonds propres fait aboutir à un bénéfice de 51 millions après une perte opérationnelle de 39 millions, sur un total de charges de 11,48 milliards. L’absence d’éléments extraordinaires et d’écritures de bouclement détonne avec la pratique passée.
Le Conseil d’Etat souligne que «les ressources apparaissent toujours plus dépendantes de revenus non pérennes», à l’image de l’absence de distribution de la Banque Nationale Suisse (BNS). Pourtant, les recettes fiscales sont en hausse de 10% par rapport au budget et de 3,8% par rapport aux comptes de l’année précédente ! Et souvenons-nous que l’année passée, l’Etat a constitué une réserve de 250 millions pour pallier l’absence de versement de la BNS. Selon le quotidien 24heures, il n’en aurait pas fait usage.
S’agissant des dépenses, le Conseil d’Etat indique qu’elles sont dans une phase de croissance structurelle très importante. Mais plus de la moitié de leur hausse par rapport au budget est imputable à des éléments conjoncturels liés à la guerre en Ukraine et au plan d’économie d’énergie Ostral. Comme la Confédération, l’Etat de Vaud aurait pu faire figurer les premiers comme éléments extraordinaires dans ses comptes.
Enfin, l’exécutif souligne à la fois que les ressources sont de plus en plus «non pérennes» et que les dépenses sont, elles, «structurelles». Mais dans le même temps, il affirme que «les finances de l’Etat demeurent solides» alors qu’il anticipe une péjoration de la situation budgétaire. C’est à en perdre son latin. Parmi toutes ces interrogations, une chose est cependant certaine : les dépenses sont hors de contrôle.
«Vaud réussi l’exploit d’être parmi les cantons les plus taxateurs de Suisse tout en réalisant un déficit.»
L’Etat dépense sans compter
Entre 2022 et 2023, les dépenses de l’Etat de Vaud ont grimpé de 4,7%, soit 591 millions. Une augmentation considérable, si on la met en balance avec la croissance de la population de 1,9% et l’inflation qui s’est située à 2,1%, et qui vient neutraliser la hausse des recettes fiscales. Vaud réussit l’exploit d’être parmi les cantons les plus taxateurs de Suisse tout en réalisant un déficit.
Les investissements ne sont pas en reste, eux qui augmentent de 33% par rapport à 2022, passant de 546 à 816 millions, alors que la moyenne annuelle des neuf dernières années s’établit à 590 millions avec une pointe à 649 millions au maximum. Tout ceci sans augmentation de dette ! Ils sont donc financés par les recettes courantes et l’extraordinaire capacité d’auto-financement du Canton – grâce aux les contribuables mis très fortement à contribution depuis des années.
Cette tendance très préoccupante doit impérativement être stoppée nette. Le Conseil d’Etat semble en être conscient, lui qui annonce «différentes actions visant à accroître la maîtrise des charges et l’efficience du fonctionnement de l’Etat». Un travail méticuleux doit absolument être réalisé sur les dépenses. Dans le même temps, l’initiative «Baisse d’impôts pour tous» doit être mise en œuvre rapidement pour que Vaud regagne son attractivité, à défaut de quoi on risque d’aggraver la situation et de rentrer dans une spirale négative.
Autre Grand Conseil , mais grande idée quand même, cette semaine du côté du Canton de Berne. Le député Korab Rashiti y a déposé une motion «pour une transparence accrue» qui vise à remplacer dans tous les textes législatifs et documents officiels le terme «gratuit» par «financé par les contribuables». De quoi inspirer des députés vaudois ?
Leur confrère bernois relève que la notion de gratuité occulte le lien direct entre les services publics et leur financement par les contribuables. Selon lui, elle pourrait même encourager une consommation irresponsable des ressources, les utilisateurs n’étant pas incités à réfléchir à leur coût réel et à leur valeur.
La proposition a de quoi faire sourire. Néanmoins, à l’heure de la publication des comptes de l’Etat de Vaud, elle doit nous faire réfléchir sur l’utilisation des deniers publics et nous rappelle que rien n’est gratuit, surtout quand c’est l’Etat qui paie.