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- Relations extérieures - Jimmy Dupuis

Pas de vacances pour la BNS

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Conformément à l’article 99 alinéa 2 de la Constitution fédérale, la Banque nationale suisse (BNS) a l’apanage de la politique monétaire. En tant que levier central de la politique macroéconomique, la politique monétaire tend à assurer une distribution du crédit conforme aux besoins de l’économie. La BNS, en sa qualité de banque centrale, facilite ou modère le crédit par le truchement d’une modulation du taux directeur. Schématiquement, on peut retenir qu’une augmentation du taux aura pour effet de ralentir l’économie alors qu’une baisse stimulera l’activité économique en favorisant le crédit. Suite à la crise financière de 2007-2008, les banques centrales -parmi lesquelles la BNS- ont dû réduire drastiquement les taux d’intérêts pour éviter que l’économie ne sombre. Une fois le taux de 0% atteint, il a fallu innover en mettant en place des instruments non conventionnels, parmi lesquels les taux d’intérêts négatifs.

En Suisse, les taux négatifs ont mauvaise presse. Il est vrai que le contexte actuel d’assouplissement monétaire génère de sérieuses difficultés pour les caisses de pensions ainsi que pour les investisseurs, qui se tournent massivement vers l’immobilier de rendement, au risque de déstabiliser le marché. Il faut avouer qu’en présence de taux d’intérêts négatifs, il est devenu ardu pour les investisseurs de conjuguer un rendement acceptable avec une sécurité raisonnable. Dans ces circonstances, d’aucuns estiment que la BNS doit procéder à un relèvement des taux. Malheureusement, tout n’est pas aussi simple en présence d’une économie interconnectée puisque les décisions de la BNS ne peuvent faire fi de celles d’autres banques centrales, en particulier celles de la Réserve fédérale des Etats-Unis (Fed) et de la Banque centrale européenne (BCE).

Bien que théoriquement indépendante, la Fed est soumise à une pression constante de la part d’un président des Etats-Unis qui se plait à fustiger la politique de normalisation prévalant depuis fin 2015. Monsieur Trump a milité avec succès pour une baisse du taux directeur afin de garantir la compétitivité de l’économie américaine. Car même si le chômage est au plus bas, la croissance du PIB accuse un ralentissement préoccupant au pays de l’Oncle Sam. Sur le continent européen, l’heure est à l’inflation basse, à la faible croissance et aux difficultés pour les exportateurs. Lors de sa récente réunion de politique monétaire, la BCE a donc fait clairement comprendre qu’elle allait diminuer encore le coût du crédit. Une nouvelle baisse devrait ainsi être prononcée pour le mois de septembre 2019.

Au vu de ce qui précède, il va de soi que l’été de la BNS ne sera pas de tout repos. Dans un contexte de politiques accommodantes, la BNS devra agir en veillant à contenir l’appréciation du franc. Pour ce faire, elle privilégiera vraisemblablement l’instrument de l’achat de devises et ne prononcera aucun abaissement supplémentaire des taux. Quoi qu’il en soit, la situation actuelle démontre à l’envi que la BNS ne peut conduire sa politique monétaire de manière totalement autonome. On relèvera par ailleurs que les banques centrales multiplient les communications cadrées de manière à canaliser les anticipations des agents économiques. C’est l’occasion de rappeler que l’économie n’est de loin pas qu’une affaire de chiffres.  

Bon gré mal gré, il devient urgent de retrouver des moyens d’actions par la politique conventionnelle. Il faudra tôt ou tard remonter les taux, en prenant le risque d’une hausse précoce. Les solutions provisoires comme les taux d’intérêts négatifs ne sont effectivement pas conçues pour durer et génèrent d’inévitables problèmes pratiques. L’assouplissement quantitatif à outrance pourrait en outre favoriser une nouvelle crise financière. Il est dès lors nécessaire d’éviter de trop tirer sur la corde raide de la croissance à crédit. Cela étant, force est de convenir qu’une bonne partie des problèmes économiques actuels ont une origine politique, à savoir la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. A trop vouloir juger de la pertinence du travail de pompier des banques centrales, on en oublie parfois de nommer les pyromanes.



Jimmy Dupuis,
Responsable politique économie extérieure

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